
LVM : Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
Je suis diplômée de l’Ecole Supérieure de Commerce de Rennes, j’ai également un DUT de Transport et Logistique et plus récemment j’ai obtenu un Master 2 Recherche en Action Sociale et Société, du CNAM. J’ai commencé mon parcours professionnel il y a une vingtaine d’années au sein du groupe Carrefour, en tant que responsable de site logistique. J’ai ensuite intégré l’industrie automobile. Au sein du groupe CAT (filiale de Renault), j’ai assuré des missions de conseil puis mené un projet de performance opérationnelle, sur les sites en France et puis en Europe. L’arrivée de la compagnie maritime RORO, Wallenius Wilhelmsen Logistics (WWL), dans l’actionnariat de la CAT a ouvert de nouvelles opportunités d’expatriation. Basée à New York, j’étais en charge pour le client Nissan, de l’ingénierie des réseaux logistiques, des achats de transport aux Etats-Unis, au Canada et au Mexique. J’ai mené plusieurs projets passionnants de développement des réseaux de transport, au Mexique d’abord, puis aux Etats-Unis, en créant des plate-formes ferroviaires. De retour en Europe, à Oslo au siège de WWL, j’avais en charge le pilotage stratégique des terminaux portuaires au moment de la crise de 2008/2009. Puis j’ai coordonné la création d’une filiale logistique en Inde.
De retour en France, j’ai mené plusieurs projets de développement de terminaux portuaires ou de services maritimes. Je me suis ensuite spécialisée en ingénierie et conseils en études publiques pour de grands projets d’aménagement. En parallèle, j’ai effectué quelques années de bénévolat notamment pour la coordination des maraudes des Restos du Coeur à Paris. J’ai ensuite dirigé COORACE, une fédération nationale de l’Economie Sociale et Solidaire, qui rassemble 540 entreprises et associations. Dans la continuité de cette expérience d’animation de réseaux, et parce que les sujets de développement économique m’animent, j’ai candidaté à la succession d’Henri-Vincent Amouroux pour le poste de Secrétaire Générale de l’Union Maritime et Portuaire de Bordeaux.
LVM : Quelles vont être vos priorités ?
Aller à la rencontre des entreprises et des professionnels de la communauté portuaire bordelaise. Aller à la rencontre des élus et des corps d’état qui régulent les activités maritimes. Aller à rencontre des associations et syndicats qui représentent l’ensemble des vocations de l’Estuaire (lieu de vie pour la faune et la flore, pêche, conchyliculture, plaisance, tourisme).
Les entreprises et les activités sont extrêmement variées : passage portuaire, navigation, manutention, stockage, distribution, industries... Ces rencontres permettent d’appréhender des métiers très divers, et à très forte valeur ajoutée. Ici, tous les acteurs de la chaîne portuaire s’adaptent à un environnement très spécifique, l’Estuaire de la Gironde. Je découvre les compétences très précieuses qui ont été développées. Je suis frappée par la capacité de coordination de tous les corps de métiers, pour travailler efficacement en sécurité, et en harmonie avec les autres vocations du fleuve. L’expression « communauté portuaire » prend tout son sens lorsque l’on observe la coordination des opérations, le travail en équipe.
C’est un paramètre déterminant. C’est cela qui fait la force d’un port comme Bordeaux. Les compétences et la coordination de tous ces corps de métier ont permis à des filières très pointues de s’implanter sur le port ou de développer une logistique sur mesure, comme pour le transport des éléments Airbus. La richesse de ce bassin d’emploi est immense, et il est fondamental de le valoriser.
LVM : Quel regard portez-vous sur l’activité portuaire bordelaise ?
L’Union Maritime et Portuaire a fait le choix d’un profil comme le mien qui a l’expérience de projets de développement côté entreprises. Le port de Bordeaux constitue une plate-forme industrielle et logistique, stratégique pour la Métropole et la Région et aussi pour le quart Sud-Ouest de la France. Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur des industriels engagés qui contribuent au tissu économique local. Ils investissent dans leur outil industriel plusieurs dizaines de millions d’euros chaque année. C’est-à-dire qu’ils sont convaincus de l’attrait de notre territoire et qu’ils arrivent à convaincre les groupes internationaux dont ils font partie. Ces investissements permettent d’accroître leur performance sur le plan européen, afin de maintenir et de développer les emplois. Ils ont mis en place des coopérations industrielles : circuits de matières entre les sites, partages de capacités... Ce sont des acteurs discrets, très actifs et engagés pour leur territoire.
Au regard de l’enjeu qui est de préserver et développer un bassin de 7800 emplois, le développement économique du pôle industrialo-portuaire de Bordeaux concerne tous les acteurs qui en ont la compétence : élus de la Région et la Métropole, la CCI, le port. Les filières et les expertises développées, l’engagement de la communauté, la capacité de coordination des acteurs de cette communauté, sont des atouts qu’il est important de mettre en lumière.
Il faut être vigilant à développer de nouvelles filières. Si les activités industrielles se portent bien, la moitié du tonnage est réalisé grâce aux hydrocarbures (chaque année le transport maritime nous évite plus de 600 000 camions sur les routes !). Ce marché s’érode lentement, bien que soutenu par l’attractivité de la région, en raison de la progression de solutions de mobilité plus compatibles avec la préservation de notre environnement. Le trafic de céréales qui pèse entre 20 et 25% du tonnage est soumis à des fluctuations importantes, parfois plusieurs années de suite, et à des effets concurrentiels importants. Nous sommes à un tournant : l’économie se relance, l’attractivité de Bordeaux n’a jamais été aussi forte. Communauté portuaire, port, élus locaux et parlementaires doivent trouver et soutenir ensemble des solutions pour saisir ces opportunités, et franchir cette nouvelle étape dans le développement économique. Une place portuaire, pour être attractive, tout comme un pôle de recherche ou aéronautique, se doit d’être un espace accueillant, innovant, favorable aux investissements, en harmonie avec le projet de son territoire. Cela passe par une vision partagée de l’avenir entre les tous les acteurs.